La Section sur l’orientation et l’identité sexuelles a 25 ans : réflexions de deux anciens présidents

  • 13 mars 2020
  • Teddy Weinstein

L’anniversaire de la Section sur l’orientation et l’identité sexuelles (SOGIC) commémore 25 années mémorables à mener la défense des intérêts des personnes LGBTTIQ2S. À cette occasion, j’ai contacté deux anciens présidents de l’exécutif de la SOGIC à l’ABO, Chris Ellis et Paul Saguil, pour obtenir leurs points de vue sur les réussites importantes de la SOGIC et sur ses défis, qui ont changé au fil des décennies.

Natif du Canada atlantique, Chris Ellis a été avocat dans un cabinet du centre-ville de Toronto et bénévole auprès d’organisations de la Fierté à travers le monde avant de s’installer à Ottawa, où il travaille maintenant pour le gouvernement fédéral. Sa participation à l’exécutif de la SOGIC à l’ABO (il en est devenu le président en 2001 et a continué d’être membre de l’exécutif pendant plusieurs années ensuite) était le prolongement d’un engagement militant déjà bien établi.

« J’étais très actif au sein du gouvernement étudiant à la faculté de droit, explique Me Ellis. L’été qui a précédé mon stage, j’ai assisté à la réception de la Fierté organisée conjointement par l’association étudiante et la SOGIC à Osgoode Hall. Quand j’ai exprimé mon désir de m’impliquer, on m’a permis de devenir membre de l’exécutif. L’année suivante, je devenais président. »

Ellis se rappelle que pendant sa présidence, la SOGIC a fait beaucoup de démarchage et a pris beaucoup d’expansion, établissant des liens importants avec d’autres groupes professionnels et contribuant à la mise sur pied de chapitres dans d’autres provinces. « Je me souviens d’un événement que nous avons organisé, qui a été particulièrement réussi, avec des journalistes et des médecins gais. Ces liens ont probablement mené aux organisations LGBT pour les professionnels qui ont vu le jour dans les dernières années. »

Comme plus grand moment de fierté, il cite la mise sur pied d’un chapitre de la SOGIC en Colombie-Britannique. « Nous avons déposé une motion devant le Conseil de l’ABC pour former le chapitre, et je crois que l’approbation a été unanime, se souvient Me Ellis. Ce chapitre va bien encore aujourd’hui. »

Comme Me Ellis, Paul Saguil, qui travaille présentement en entreprise, comme administrateur général du programme de conformité et de lutte contre le trafic d’influence et la corruption de la Banque TD, a commencé à assister aux événements de la SOGIC lorsqu’il étudiait en droit. Devenu président du chapitre de l’ABO en 2013, il est resté en poste trois ans et est actuellement président du chapitre national. Il a gardé plusieurs bons souvenirs.

« Toronto a accueilli la Fierté mondiale en 2014, et la même année, la SOGIC prenait part à la marche de la Fierté pour la première fois, se rappelle Me Saguil. Nous avons formé des partenariats importants avec d’autres organisations, comme OUTLaws, Start Proud et la Roundtable of Diversity Associations. » Autre exploit historique selon Me Saguil : « La SOGIC a aussi co-parrainé une résolution de l’ABO avec le comité sur l’égalité et d’autres sections. Nous demandions au Barreau d’adopter une exigence de non-discrimination pour tous les programmes de droit accrédités, actuels et futurs, afin que les diplômés soient reconnus admissibles au Barreau en Ontario. En coordination avec d’autres chapitres de la SOGIC et avec le comité exécutif national, nous avons mobilisé l’ABC afin qu’elle s’exprime (et intervienne) dans l’agrément proposé de la faculté de droit de l’Université Trinity Western. »

Me Saguil et Me Ellis ont été francs quant aux défis que la SOGIC a dû relever au fil des années pour recruter et garder ses membres. « En 2006, la profession dans son ensemble était encore assez conservatrice, m’a dit Me Ellis. Le mouvement pour le mariage entre conjoints de même sexe a contribué à motiver les avocats et les étudiants LGBT à voir la valeur de l’offre de la SOGIC, mais beaucoup ne voulaient tout de même pas être ouvertement associés au groupe. Je me souviens que notre liste de membres était considérée comme étant ultra secrète. »

Malgré un environnement plus accueillant au sein de la profession au cours des dernières années, Me Saguil observe que les défis existent encore. « Nous avons un noyau de bénévoles enthousiastes et dévoués, mais augmenter le nombre de nos membres était et demeure un défi. Cela a quelque peu compliqué la planification de la relève à long terme. »

Tous semblent d’accord pour dire que la profession se fait plus ouverte depuis quelques années. Me Saguil en a vu de nombreuses indications. « La preuve récente la plus évidente a été celle de l’affaire de l’Université Trinity Western, dit-il. La SOGIC a fortement contribué à mobiliser l’intervention de l’ABC. La plus grande association professionnelle d’avocats au Canada a défendu les droits de ses membres 2SLGBTTIQ : cela montre le chemin que nous avons parcouru dans notre lutte vers l’acceptation et l’inclusion. »  

Me Ellis voit la légalisation du mariage entre conjoints de même sexe comme étant un moment décisif. « On a vu un changement d’attitude radical, au sein de la collectivité juridique et plus largement. » Il précise toutefois que ce changement profond a surtout profité à la portion « LGB » de notre collectivité. « Tout le monde n’est pas encore accepté au sein de la collectivité juridique, ce qui est malheureusement vrai pour de vastes pans de la collectivité allosexuelle elle-même. »

Malgré des progrès importants, il reste du travail à faire. « De nombreux domaines exigent encore une vigilance constante et sont en amélioration continue, dit Me Saguil. Le comité exécutif du chapitre national renseigne les efforts de défense des droits et de réforme législative, ce qui comprend la rédaction de soumissions et la participation aux consultations auprès des législateurs et des décideurs, y compris auprès de la ministre de la Diversité et de l’Inclusion. »

Me Ellis soulève deux domaines précis qui ont besoin d’attention. Il invite les juristes à faire preuve d’introspection pour trouver des manières d’appuyer la lutte des personnes les plus marginalisées. « En particulier, dit-il, nous devons concentrer notre attention pour soutenir la lutte pour la reconnaissance internationale des droits, et lutter ici, au Canada, pour les minorités au sein des minorités. Dans les organisations de la Fierté, ajoute-t-il, j’ai vu comment l’apathie chez certains et la formation de factions en général nous ont éloignés de ces buts. »

« Des portions de notre collectivité n’ont pas eu les mêmes privilèges ni les mêmes libertés que les autres. Nous avons le défi de rester unis dans la lutte jusqu’à ce que chacun d’entre nous puisse dire qu’il se sent libre, accepté et émancipé. »

À propos de l’auteur

Teddy Weinstein est diplômé en droit de l’Université de Windsor. Il est devenu membre du Barreau de l’Ontario en 2019 après un stage à l’Association canadienne des libertés civiles. Il travaille présentement outremer dans le cadre du Programme international des jeunes juristes de l’ABC.