Comment pouvons-nous protéger nos amis et les membres de notre famille qui sont âgés et par le fait même, vulnérables ou susceptibles d'être victimes d'abus ou d'exploitation?

En notre qualité d'avocats, un grand nombre d'entre nous avons des clients qui souffrent d'un handicap, d'une maladie, d'un déficit cognitif ou encore, que les circonstances ont rendus vulnérables. En tant qu'avocats plaidants dans le domaine immobilier, ces clients sont fréquemment des adultes âgés qui n'ont pas planifié leur avenir ou dont les projets d'avenir n'ont pas réussi, pour des raisons imprévisibles.

Les familles, les amis, voire de parfaits étrangers nous demandent fréquemment de remédier au tort subi par ceux dont on a profité ou qu'on a fraudés, abusés ou négligés.

Les premières étapes consistent à éduquer et à planifier.

Selon Statistique Canada, il y aura 6,7 millions de personnes âgées au Canada en 2021. L'espérance de vie est plus élevée que jamais. Au Canada, les hommes peuvent s'attendre à vivre jusqu'à 80 ans et les femmes jusqu'à 83 ans. Cette longévité a été accompagnée d'une forte poussée de problèmes médicaux liés à la cognition, tels que la maladie d'Alzheimer, la dépression, la schizophrénie et la démence, de différents types et à divers degrés. Lorsqu'une personne ne peut plus ni voir à ses soins personnels ni gérer ses biens, elle devient vulnérable et est susceptible d'être maltraitée.

Maltraitance des personnes vulnérables

Les prédateurs existent et ils s'en prennent aux adultes âgés vulnérables. Les personnes âgées sont susceptibles d'être exploitées sur le plan physique, émotionnel, sexuel et financier. L'Organisation mondiale de la Santé définit les mauvais traitements à l'égard des personnes âgées comme « un acte unique ou répété, ou l'absence de mesures appropriées, qui se produisent dans toute relation au sein de laquelle le sentiment de confiance attendu est source de préjudice ou de détresse pour la personne âgée ».

Les personnes âgées sont facilement victimes de mariages contractés avec des prédateurs : une personne sans scrupule tire parti d'avantages financiers et juridiques conférés par le mariage aux dépens de la personne âgée. On voit fréquemment des prédateurs tisser des liens de confiance avec des personnes afin d'en tirer un profit personnel. Les prédateurs peuvent comprendre des personnes ayant une obligation fiduciaire, telles qu'un avocat ou un médecin, un soignant ou un fournisseur de soins de santé, un ecclésiastique, un conseiller financier, voire un ami ou un voisin trop compatissant. La liste est sans fin.

Prenez le cas de « George », une affaire réelle débattue au tribunal en Ontario. À l'âge de 88 ans, George a emménagé dans une résidence pour personnes âgées après le décès de sa femme. « Tammy », une serveuse de 31 ans à l'emploi de la résidence, a sorti George pendant une journée et ils se sont mariés.

Deux jours plus tard, le couple s'est rendu au cabinet d'un avocat et lui a donné la consigne de rédiger un nouveau testament selon lequel la nouvelle épouse hériterait de tous les biens de George à sa mort.

Le tribunal a statué que les capacités de jugement de George étaient gravement affaiblies et que des preuves médicales convaincantes à cet effet, dont une évaluation de la capacité, permettaient de conclure à la nullité du testament en raison du manque de faculté de tester et de l'influence indue de l'épouse de 31 ans.

Cependant, le tribunal n'a pas été en mesure d'annuler le mariage. En conséquence, puisque le mariage était valide mais le testament invalide, George était intestat, ce qui signifie qu'il n'avait pas de testament et que Tammy, son épouse, en vertu de la loi sur les successions ab intestat, pouvait toujours hériter de ses biens.

Comment faire pour se protéger soi-même et protéger les membres de sa famille?

Éducation

La première étape consiste à éduquer. Une fois que vous connaissez les risques, vous pourrez plus adéquatement vous protéger et protéger vos proches. Vous devriez discuter de ces risques avec vos proches parents âgés et leur conseiller d'établir attentivement quelle personne devra prendre en charge leurs affaires en cas d'invalidité, de maladie ou d'incapacité. Voici quelques questions à poser :

• Voulez-vous vivre dans votre maison, avec la famille ou un soignant? Préférez-vous vivre dans une résidence pour personnes âgées ou un établissement de soins de longue durée, doté d'un encadrement médical professionnel?
• Qui paiera pour subvenir à vos besoins et de quelle manière vous y prendrez vous?
• Quelles activités voulez-vous continuer à pratiquer?
• Quels loisirs et quel genre de milieu social affectionnez-vous?

Document de procuration

Le document de procuration est un des moyens qui permet de protéger les intérêts financiers et la santé d'une personne.

Il permet de réduire efficacement les conflits familiaux au cours d'une vie et d'éviter les coûts élevés liés aux procédures judiciaires dans les cas de tutelle. Le document de procuration peut cependant parfois être une importante source de désaccords au sein de la famille. On ne saurait trop insister sur l'importance de bien choisir ses avocats et d'informer votre famille de vos volontés.

En Ontario, il existe trois types de document de procuration :

1. La forme générale du document de procuration à l'égard des biens accorde une autorité spécifique ou limitée ou une autorité générale.
2. La procuration perpétuelle à l'égard des biens (PPB) accorde une autorité perpétuelle qui survient en cas d'incapacité postérieure. Pour obtenir une procuration perpétuelle à l'égard des biens (PPB) valide, l'avocat doit être nommé avant que le mandant ne souffre d'une incapacité et l'autorité perpétuelle est valide pour la gestion des biens si le document établit qu'il s'agit d'une procuration perpétuelle, ou si le document exprime l'intention que l'autorité accordée puisse être exercée au cours de l'incapacité postérieure du mandant à gérer ses biens. Une personne est jugée inapte à gérer ses biens si elle est incapable de comprendre les informations pertinentes pour la prise de décision dans le cadre de la gestion de ses biens ou incapable de reconnaître les conséquences prévisibles d'une décision ou d'un manquement à cet égard.
3. La procuration relative au soin de la personne habilite un mandant individuel, lorsqu'il est apte, à nommer une personne ou des personnes pouvant prendre des décisions en son nom dans le cas où celui-ci serait inapte à gérer ses soins personnels et les décisions relatives à ses soins. Une personne est réputée inapte à gérer ses soins personnels si elle est incapable de comprendre les informations ou de reconnaître les conséquences prévisibles d'une décision ou d'un manquement à cet égard en ce qui a trait à la santé, à la nutrition, au logement, aux vêtements, à l'hygiène et à la sécurité.

Comment s'y prendre pour reconnaître l'incapacité d'une personne?

La capacité est en soi un concept complexe. Il n'existe aucune définition légale ou médicale simple de l'expression « capacité ». En Ontario, tous les adultes sont présumés capables de prendre leurs propres décisions. Cette présomption s'applique à moins qu'elle ne soit contestée et réfutée juridiquement, et ce, jusqu'à la date où cela est avéré.

Il est cependant important de remarquer que cette « capacité » dépend de la décision elle-même, du moment et de la situation. La capacité juridique peut varier avec le temps et en fonction de la décision à prendre. Bien que chaque tâche comporte ses propres critères d'évaluation spécifiques, la capacité d'une personne à prendre une décision est en général démontrée par sa capacité de comprendre toutes les informations pertinentes à la décision ainsi que sa capacité de reconnaître les conséquences probables de sa décision.

Les problèmes que nous voyons régulièrement découlent du manque de planification, d'une maladie soudaine, d'une incapacité imprévue et du malheur. Ces récits d'abus à l'égard de personnes vulnérables dont des personnes en position d'autorité se sont rendues responsables nous rappellent l'importance de l'éducation, d'une planification minutieuse et de la nécessité d'être aux aguets concernant des situations possibles d'abus et d'influence indue.

À propos des auteurs

Kimberly Whaley est la fondatrice et la responsable de stages de Whaley Estate Litigation.

Erin Cowling est associée chez Whaley Estate Litigation.