À la rencontre de la Commissaire aux services en français de l’Ontario

  • 27 février 2023
  • Kenza Salah and Christiane Saad

Le rôle de la Commissaire, qui fait partie du Bureau de l’Ombudsman dephoto of Commissioner Kelly Burke l’Ontario, est de veiller à l’application et le respect de la Loi sur les services en français, LRO 1990, c F.32 « LSF » une loi conférant des droits linguistiques et donc de nature quasi-constitutionnelle.[i] En tant que championne de tels droits, la Commissaire jouit de larges  pouvoirs discrétionnaires, tels que mener des enquêtes, faire rapports spéciaux et améliorer le degré de conformité à la LSF du gouvernement et des organismes gouvernementaux. Ces pouvoirs sont notamment définis dans la LSF. La Commissaire doit déposer un Rapport annuel et faire des recommandations dans le cadre de ses travaux.

Outre la dimension réactive de sa compétence, la Commissaire valorise les aspects anticipatoire et proactif de ses fonctions qui servent à promouvoir le patrimoine culturel francophone. Dans sa quête vers l’égalité des deux langues officielles, elle allie rigueur académique et émotion.

Parcours exceptionnel à souligner

La Commissaire Burke est originaire de Cornwall, en Ontario, d’une famille bilingue franco-ontarienne, et elle a été éduquée en français dès la maternelle. Passionnée par la langue, la culture et le bilinguisme canadien, elle poursuit des études en langue française et suit des cours de sociologie pour ensuite intégrer la faculté d’éducation à l’Université Queen’s.

C’est à Sarnia, à l’extrême Ouest de la province, que  Mme Burke a débuté sa carrière en tant qu’enseignante. Sa carrière en éducation a influencé son parcours et son mandat lié aux droits linguistiques. En effet, elle a fait partie de la première cohorte d’enseignants du programme d’immersion en français de la province – qui ne cesse d’ailleurs de gagner en popularité en raison d’avantages indéniables associés au bilinguisme. D’ailleurs, la Commissaire souligne que c’est avec grande émotion et fierté personnelle qu’elle a célébré la désignation de Sarnia  en vertu de la LSF, à l’occasion de la journée des Franco-Ontariens, en septembre 2022.

Après l’obtention de son diplôme en droit de l’Université d’Ottawa (Programme de Common Law en français), d’une maîtrise en droit du travail et de l’emploi de la faculté Osgoode Hall de l’Université York, elle a pratiqué dans ce même domaine. Sa pratique juridique l’a bien outillée pour la résolution d’enjeux complexes. Elle a occupé des postes de haut niveau auprès de plusieurs ministères ontariens, notamment en tant que sous-ministre adjointe au ministère des Affaires francophones et cadre supérieure au ministère du Procureur général. 

Depuis sa nomination le 13 janvier 2020, la Commissaire s’appuie sur une équipe exceptionnelle, vivement passionnée par les droits linguistiques, pour traiter d’enjeux réels et souvent très médiatisés. Jusqu’à maintenant, l’Unité des services en français au Bureau de l’Ombudsman a traité plus de mille cas, tel que reflété dans les trois rapports annuels de la Commissaire. Sa formation juridique et sa compréhension des rouages du gouvernement se sont avérées indispensables dans ses fonctions de Commissaire.

Au quotidien, la priorité de la Commissaire est d’éduquer les principaux intervenants de divers secteurs, notamment les groupes communautaires, les ministres, les sous-ministres, les élus et les partis d’opposition, sur leurs droits et obligations en vertu de la LSF, tout en apaisant les tensions soulevées par les Franco-Ontariens de façon productive et durable.

La Commissaire met l’accent sur l’éducation et la formation continue en français

La Commissaire indique que la communauté juridique joue un rôle primordial dans le maintien de l’intégrité du régime législatif linguistique en Ontario.

Les propos de la Commissaire à cet effet reflètent le consensus qui prévalait lors du Symposium en ligne de l’ABC pour juristes d’expression française de Common Law, qui a eu lieu le 22 avril 2022, soit qu’il incombe aux avocats et aux différents intervenants du système judiciaire, notamment les barreaux provinciaux, regroupements professionnels et associations juridiques de préserver l’accès à la justice en français. Nous avons tous un rôle à jouer en tant que juristes et parajuristes.

La Commissaire évoque l’importance d’organiser et de participer aux programmes de formation juridique en français. Elle mentionne l’exemple de l’AJEFO qui a accru ses programmes en français et le Barreau qui en offre davantage. D’ailleurs la Commissaire souligne qu’il y a un réel intérêt et fait référence au programme organisé par le Barreau de l’Ontario, l’AJEFO et l’ABO dans le cadre de la Journée internationale de la Francophonie de 2021 auquel elle avait participé et qui avait attiré plus de 500 personnes.

La Commissaire invite la communauté juridique à recruter et promouvoir des emplois en français ou bilingues. Elle encourage aussi les juristes à sensibiliser les justiciables aux droits linguistiques tel que prescrit dans le Code de déontologie du Barreau de l’Ontario et selon les dispositions législatives applicables (thème abordé dans cet article du Comité), de travailler en français, et de se référer aux outils offerts par l’Unité des services en français du Bureau de l’Ombudsman ainsi qu’aux ressources disponibles sur Jurisource.

La Commissaire préconise l’offre active des services en français

La Commissaire célèbre l’adoption du règlement 544/22 sur l'offre active des services en français - mesures prescrites qui entrera en vigueur le 1er avril 2023. Ce règlement est dans la foulée de la modernisation de la LSF et énonce les mesures que doit prendre tout organisme gouvernemental ou toute institution de la Législature pour remplir l’obligation de l’offre active prescrite en vertu de la LSF. C’est une avancée cruciale qui servira à renforcer  la cohérence et la continuité des services en français au sein du gouvernement.

Madame Burke souligne l’importance de l’offre active des services en français, un des principes fondamentaux énoncés dans le Projet pilote pour un accès fluide à la justice en français dont elle a fait partie à l’époque. Les retombées positives de ce projet sont indéniables, notamment par l’usage du français dans l’administration de la justice au sein des tribunaux de l’Ontario. Même si beaucoup de travail demeure nécessaire, il s’agit d’une initiative innovante et visionnaire, et une belle source d’inspiration pour l’avenir.

Finalement, la Commissaire indique que la Boussole CSEF, qu’elle a présentée dans son deuxième rapport de 2020-2021, est un outil de diagnostic qui permettra d’évaluer l’efficacité des services en français, la santé linguistique et le degré de conformité des différents ministères et agences gouvernementales à la LSF et ses règlements afférents. Le but ultime de la Commissaire est d’offrir au public un service équivalent et sans délai.

À propos des auteurs

Christiane Saad est directrice du Programme de pratique du droit de l'Université d'Ottawa et membre du Comité des langues officielles de l’Association du Barreau de l’Ontario.

Kenza Salah est une sociétaire en propriété intellectuelle chez Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l. à Ottawa et Présidente du Comité des langues officielles de l’Association du Barreau de l’Ontario.


[i] Lalonde c Ontario, 2001 CanLII 21164 aux paras 2, 128-140.