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Votre premier appel devant la CAO : des conseils de nos gourous

  • 13 juin 2022
  • Nancy Sarmento Barkhordari

Les nouveaux avocats qui interjettent leur premier appel devant la Cour d’appel de l’Ontario (CAO) sont probablement doublement stressés, surtout s’ils travaillent seuls, et d’autant plus si l’appel est compliqué par une motion en nullité (et d’autres requêtes !).

Pour ceux qui ne connaissent pas le processus, j’ai trois conseils à donner. Premièrement, achetez ou empruntez un exemplaire de Conduct of an Appeal de Sopinka et Gelowtiz. Je ne peux vous dire combien de fois j’ai lu ce livre et l’ai consulté en cas de besoin. Deuxièmement, pour affiner votre écriture avant de rédiger votre mémoire, lisez Forget the Wind-Up and Make the Pitch: Some Suggestions for Writing More Persuasive Factums du juge John I. Laskin. Troisièmement, lorsque vous faites des présentations orales, adressez-vous aux juges en les appelant « Monsieur le juge NOM DE FAMILLE » ou « Madame la juge NOM DE FAMILLE » plutôt que « Votre honneur ».

Outre mes simples conseils, vous trouverez ci-dessous un ensemble fantastique de perles provenant des gourous de la plaidoirie en appel.  

Les recommandations d’Ewa Krajewska, de Heinen Hutchinson :

  1. N’oubliez pas qu’il s’agit d’un appel et non d’un nouveau procès. Le point de départ est formé de la décision et des motifs du juge de première instance ou du juge des requêtes. Le juge doit avoir appliqué correctement le droit, mais il faut faire preuve de retenue à l’égard des conclusions de fait. Si vous êtes l’appelant, le juge de première instance s’est-il trompé en droit ? Les conclusions de fait sont-elles étayées par le dossier ? Si vous êtes l’intimé, démontrez que le juge de première instance a appliqué le droit correctement et que les conclusions de fait sont étayées par le dossier. 
  2. Choisissez vos arguments avec soin. Si vous êtes l’appelant, ne soulevez pas des myriades de motifs d’appel. Pour votre mémoire, organisez soigneusement les points de l’appel. Limitez-les à deux ou trois motifs. Si vous en soulevez dix, vous vous décrédibilisez. 
  3. Consultez, parlez, obtenez un retour d’information. Si vous étiez l’avocat de la demande ou du procès, il est parfois difficile de faire votre propre appel. Vous êtes proche de la victoire ou de la défaite et cela a eu un effet émotionnel sur vous. Montrez la décision à vos collègues. Parlez de vos points et de vos griefs. Obtenez l’avis des autres. Et puis, lorsque vous vous préparez pour l’appel, n’hésitez pas à faire quelques répétitions. Les meilleurs avocats et les plus expérimentés s’entraînent. C’est comme cela qu’ils sont devenus aussi bons !

Les conseils de Tom Curry (associé principal chez Lenczner Slaght) pour la plaidoirie en appel :

  1. En tant qu’avocat de l’appelant, limitez votre attention à un maximum de trois motifs d’appel. Il est rare que vous ayez besoin de plus, et cela vous aidera à cerner uniquement les erreurs réversibles.
  2. Limitez (ou éliminez !) l’utilisation d’adjectifs et d’adverbes à la cour d’appel, que ce soit dans les plaidoiries écrites ou orales. 
  3. Que ce soit pour l’appelant ou l’intimé, choisissez soigneusement l’ordre des questions à plaider. Les appels sont comme un vol motorisé — il faut un décollage sûr, un vol efficace en palier jusqu’à votre destination, et un atterrissage sûr. Si vous commencez par le mauvais argument, votre appel peut s’écraser avant que vous ne puissiez le faire décoller.

Chris Sewrattan, avocat spécialisé dans les appels en matière pénale, vous fait ces recommandations :

  1. Ne dites pas que votre affaire correspond « sur toute la ligne » à une autorité. Ce n’est jamais le cas. 
  2. Pendant la plaidoirie, montrez à la Cour les passages que vous voulez qu’elle voie. Ne vous sentez pas si pressé que vous vous contentez de mentionner la référence. 
  3. Notez les points les plus faibles de votre dossier sur une feuille séparée lorsque vous rédigez votre mémoire d’appel/de demande. Rédigez également votre réponse générale à ces points faibles. Cela vous fera gagner du temps lorsque l’intimé fournira son mémoire des mois plus tard et que vous serez frappé par ses contre-arguments. 

Les conseils de Margaret Waddell (de Waddell Phillips Barristers) pour la réussite :

  1. Assurez-vous d’avoir une très bonne connaissance de tous les faits et de l’endroit où ils se trouvent dans le dossier. Les juges veulent des références à des éléments de preuve précis et savoir où les trouver dans le dossier, et non de vagues généralités sur les éléments de preuve. Supposez toujours qu’ils connaissent mieux le dossier que vous. C’est probablement vrai.
  2. Un mémoire convaincant sur un appel ou une motion dans un appel est crucial. Ne laissez pas la rédaction à la dernière minute. N’oubliez pas votre auditoire : vous essayez de convaincre les juges que votre position en appel devrait prévaloir, et non de plaider à nouveau la cause de votre client depuis le début.
  3. Le résumé du mémoire doit expliquer aux juges pourquoi votre client devrait gagner en moins de trois pages. Il doit faire ressortir les points essentiels et raconter une histoire, sans être pédant. Captivez les juges dès le début.

Le gourou des appels Andrew Bernstein, de Torys, nous a dit :

  1. Choisissez très soigneusement vos motifs d’appel. Il n’y a pas de mal à rédiger un acte d’appel « tout fait » parce que vous n’avez peut-être pas eu le temps d’y réfléchir complètement avant la date limite. Mais ensuite, élaguez vraiment vos arguments de sorte qu’au moment de rédiger votre mémoire, vous vous concentriez sur vos trois principaux arguments. 
  2. Relisez Housen c. Nikolaisen. La Cour d’appel veut savoir quelle est l’erreur de droit ou l’erreur de fait palpable et prépondérante. Se présenter et demander à la cour de « recommencer » ne fonctionnera pas.
  3. Faites un débat fictif ! Demandez à deux ou trois collègues ou amis d’être vos « juges » et de vous cuisiner. Vous serez bien mieux préparé pour la plaidoirie.

Margaret Bojanowska, avocate spécialisée dans les procès criminels et les appels :

  1. Limitez vos motifs d’appel. Les jeunes avocats (moi y compris, lorsque j’ai commencé à travailler en appel) ont tendance à s’indigner au nom de leur client et à vouloir soulever toutes les questions possibles, aussi petites soient-elles. Les avocats qui réussissent en appel s’efforcent de réduire le nombre de motifs d’appel à invoquer dans une affaire donnée et d’y réfléchir sérieusement. Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas d’accord avec le résultat que le verdict est déraisonnable dans tous les cas. Il n’est pas nécessaire de soulever dix motifs d’appel pour avoir gain de cause. Un seul motif d’appel, correctement exposé et étayé par le dossier, est tout ce dont vous avez besoin.
     
  2. Connaissez votre dossier d’appel mieux que quiconque à la Cour. Lorsque vous vous préparez pour la plaidoirie, vous devez réserver du temps pour une préparation adéquate. Il ne suffit pas de jeter un coup d’œil à votre mémoire la veille de l’appel. Vous devez connaître les transcriptions, le dossier d’appel et la loi mieux que quiconque. Vous devez être en mesure d’amener le juge à des références précises dans le dossier pour faire valoir votre point de vue. Lorsque la Cour se rendra compte que vous connaissez le dossier, vous aurez gagné sa confiance et elle sera plus disposée à écouter vos arguments.
     
  3. N’ayez pas peur des questions des juges. Je me souviens d’avoir redouté les questions des juges à mes débuts et d’avoir été soulagée s’ils étaient silencieux pendant ma plaidoirie et ne posaient aucune question. Il est rare qu’un appel soit gagné d’avance. Les questions des juges sont précieuses et permettent de comprendre ce qui les préoccupe. Leurs questions vous permettent de répondre précisément à leurs préoccupations et de sortir du script de votre plaidoirie pour aller au cœur des problèmes. Je conseille vivement aux jeunes avocats d’accueillir les questions des juges et d’écouter attentivement même les questions posées par la partie adverse.

 

Merci à Ewa, Tom, Chris, Margaret Waddell, Andrew et Margaret Bojanowska d’avoir partagé les secrets de leur succès auprès de la CAO. Cet article n’aurait pas vu le jour, ou n’aurait pas été aussi bon, sans votre aide. 

Photo of author Nancy Sarmento BarkhordariÀ propos de l’autrice

Nancy Sarmento Barkhordari est une avocate spécialisée dans les litiges au sein du cabinet Gosai Law. La pratique de Nancy est axée sur les litiges en matière de responsabilité civile, avec un intérêt particulier pour la responsabilité de l’État et les appels.

 

Cet article a d’abord été publié sur la page des articles de la Division des jeunes juristes de l’ABO.