Profil: Madeleine Meilleur

  • 01 août 2014
  • Greg Crone

Madeleine MeilleurMadeleine Meilleur atterrissait à l’aéroport Billy Bishop de Toronto le matin du lundi 24 mars et ce, après une visite éclair de son comté d’Ottawa-Vanier pendant la fin de semaine.

Après l’atterrissage et avant même d’avoir quitté l’île, Mme Meilleur, ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l’Ontario,  a effectué un appel à son bureau.

On lui a dit que la première ministre Kathleen Wynne souhaitait la voir à 10h00 dans son bureau à l’Édifice de l’Assemblée législative.

Mme Meilleur a jeté un coup d’œil à sa montre et a vu qu’il était presque 10h00.

Elle a répondu : « Je ne pense pas que j’arriverai à l’heure, mais j’y serai le plus tôt possible” », se souvient-elle.

« Je me demandais de quoi elle voulait me parler. »

La possibilité d’un remaniement ministériel lui avait traversé l’esprit, a dit Mme Meilleur. Linda Jeffrey, ministre des Affaires municipales, avait annoncé pendant la fin de semaine qu’elle quittait la politique provinciale pour présenter sa candidature à la mairie de Brampton. Toutefois, Mme Meilleur ne considérait pas que cette nouvelle aurait des retombées pour elle.

Mme Meilleur s’est rendue directement de l’aéroport à Queen’s Park et est arrivée peu après 10h00 au bureau de la première ministre, au deuxième étage de l’Édifice de l’Assemblée législative. On l’a conduite rapidement dans le bureau de la première ministre où elle a rencontré Mme Wynne, qui lui a demandé de s’asseoir.

« Elle m’a dit qu’elle souhaitait m’offrir un autre poste, mais que je devrais y réfléchir. Elle m’a dit : “Je ne veux pas que vous répondiez tout de suite. Pensez-y.” J’ai donc dit : “Quel poste?” Elle a répondu : “Procureure générale.” J’ai dit : “Quoi?” Elle a répété : “Procureure générale. Pensez-y.” J’ai dit : “Je n’ai pas besoin d’y penser. C’est oui!” Je ne m’y attendais absolument pas! »

C’est le tout dernier jalon du cheminement remarquable de Madeleine Meilleur.

Elle est née il y a 65 ans à Kiamika, une toute petite ville des Laurentides, dans le Nord-Ouest du Québec.

Mme Meilleur était l’une des sept enfants, soit une famille de six filles et un garçon.

Sa mère Simone était une femme très indépendante. Lorsqu’elle s’est mariée à l’âge de 22 ans, elle a conservé le nom de Lachapelle, son nom de jeune fille.  De plus, elle avait également son propre compte bancaire, ce qui était inhabituel à l’époque. Elle est aujourd’hui âgée de 93 ans et vit toujours dans la même ville.

Il n’y a pas de doute que sa mère a eu une grande influence sur elle, mais Mme Meilleur souligne que son père, qui était propriétaire et exploitant d’une scierie et d’un parc à bois débité, l’a également influencée.

« Mon père avait un seul objectif dans la vie pour ses filles », se rappelle Mme Meilleur. « Il souhaitait qu’elles fassent des études, parce qu’il ne voulait pas qu’elles dépendent d’un homme. »

Comme c’est le cas dans une famille nombreuse, la maison était un lieu extrêmement animé.

« À l’heure du souper, on parlait toujours de politique et d’économie. Nous avions tous droit à notre opinion, même mon frère André, lorsqu’il arrivait à placer un mot dans la conversation! Nous étions tous égaux. C’est pourquoi la plupart des filles avaient leur propre carrière. »

La première carrière de Mme Meilleur était celle d’infirmière. Après sa formation, elle a travaillé à l’hôpital Montfort d’Ottawa. Elle était infirmière en salle d’accouchement.

Mme Meilleur est devenue organisatrice syndicale et a contribué à fonder un syndicat des infirmières dans l’hôpital. Plus tard, elle a aidé à négocier leurs premières conventions.

En raison de ses activités syndicales, une de ses amies, qui quittait la profession d’infirmière pour étudier le droit, a suggéré qu’elle fasse la même chose.

Mme Meilleur, alors âgée de 30 ans, a présenté une demande à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa en tant qu’étudiante adulte, car à titre d’infirmière, elle n’avait pas de baccalauréat. Elle a été acceptée et a commencé ses études de droit le mois de septembre suivant.

Comme elle devait financer ses études, ou « subvenir à ses besoins », elle a continué à exercer sa profession d’infirmière à temps partiel pendant ses études de droit, travaillant pendant les quarts de soir, de fin de semaine et de nuit, mais surtout le vendredi et la fin de semaine.

« J’essayais de ne pas travailler pendant la semaine parce que je devais étudier », dit-elle.

Elle se souvient parfaitement de son premier jour à l’école de droit. « Je me suis dit : “Je ne peux pas croire que c’est ça, le droit. C’est tellement intéressant. Cela a tellement de sens. Le droit, c’est le bon sens.” »

D’une certaine façon, elle n’était pas dans son élément. D’abord, elle avait quelque 10 années de plus que l’étudiant en droit typique. « J’étais comme la grande sœur de la classe. »

Toutefois, elle adorait ses études de droit. Sa mère, se rappelle Mme Meilleur, lui disait toujours que ses années d’études seraient les meilleures années de sa vie, mais elle ne l’avait jamais crue jusqu’à ce qu’elle fréquente l’école de droit.

« Une fois arrivée à l’école de droit, je me suis dit que ma mère avait bien raison. Ça été la plus belle époque de ma vie. J’ai vraiment aimécela. »

En tant qu’avocate nouvellement diplômée, Mme Meilleur a présenté sa candidature à l’échelle municipale pour devenir membre du conseil de l’ancien gouvernement régional d’Ottawa, puis au sein du conseil fusionné pour la Ville d’Ottawa.

Elle a été élue pour la première fois en tant que députée provinciale en 2003 et a été immédiatement nommée au cabinet, au poste de ministre de la Culture, et plus tard au poste de ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels. Pendant tout ce temps, elle a également été ministre des Affaires francophones. En 2012, elle a été nommée Chevalier de l’ordre national de la Légion d’honneur, la plus haute décoration de France, pour ses contributions à la promotion de la langue française et de la francophonie.

« Devenir procureure générale était une occasion fantastique », dit Mme Meilleur.

« L’idée de devenir procureure générale ne n’avait jamais traversé l’esprit. C’est le rêve de tout avocat politicien. Je ne pouvais pas le croire. J’étais tellement heureuse. J’ai dit à la première ministre : “Quel cadeau fantastique! J’accepte le poste au nom des francophones et des femmes.” »

Lors d’une entrevue récente dans son bureau, situé au 11e étage de l’édifice McMurtry-Scott, Mme Meilleur affirme qu’elle apprécie chaque moment de ses nouvelles fonctions.

« Lorsque je suis arrivée ici et que j’ai commencé mes notes de breffage, je me suis dit : “Mon Dieu, c’est comme si je retournais à l’école de droit.” C’est tellement intéressant. »

Mme Meilleur affirme qu’elle n’aime rien de mieux que lire les livres de breffage épais qui lui sont remis en sa qualité de ministre. « Je m’installe à la maison avec mes notes de breffage et je les lis, même le samedi et le dimanche. C’est tellement intéressant. »

Ce n’était pas toujours rose d’être une femme en politique, surtout à ses débuts.

« La politique, ce n’était pas un endroit pour les femmes. Elles devaient rester à la maison et élever leurs enfants. Aller en politique, c’était une affaire d’hommes, pas de femmes. »

Mme Meilleur a été inspirée à entrer en politique en partie par la défunte Solange Chaput-Rolland, la journaliste québécoise nommée au Sénat. Elle a également tiré son inspiration de Gisèle Lalonde, ancienne mairesse de la ville de Vanier, qui a dirigé la campagne pour que reste ouvert l’hôpital Montfort, le seul hôpital francophone en Ontario que l’ancien gouvernement provincial a menacé de fermer ses portes.

Aujourd’hui, Mme Meilleur profite souvent de l’occasion de parler à des jeunes et de les encourager à entrer en politique eux aussi.

« C’est une carrière très intéressante. Pour être en politique, il faut aimer les gens. Il faut être un bâtisseur communautaire, savoir écouter et aimer aider les gens. C’est très enrichissant parce qu’on peut changer les choses. On peut améliorer la qualité de vie de citoyens comme soi, et les emplois où on peut faire cela sont rares. »


Madeleine MeilleurA propos de l'auteur

Greg Crone, gestionnaire, relations avec les médias et communications du l"ABO. gcrone@oba.org

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