Cartoon of Comedian holding a mike with spotlights

Virage humoristique pour une carrière juridique

  • 23 août 2018
  • Marcel Strigberger

"Êtes-vous enfin à la retraite?" C’est la question qu’on me posait le plus souvent avant que je ferme mon cabinet. La deuxième question la plus fréquente était "Quand prendrez-vous votre retraite?"

J’ai cessé de pratiquer le droit au début de 2017, après un bref passage de 43 ans dans la profession.Depuis, je me concentre sur mon écriture et mes performances en humour.

Ce qui nous mène à la troisième question la plus fréquente : "Avocat… et drôle ? N’est-ce pas un oxymoron?" Cela vous donne une idée de l’idée que le public se fait des avocats. 

Comment et pourquoi ai-je fait cette transition? Eh bien!

Le big-bang des deux carrières vient d’un après-midi en deuxième année, quand ma mère m’a amené voir mon médecin. À mon arrivée, sa réceptionniste m’a dit qu’il était malade.Quand je suis retourné en classe, l’enseignante m’a demandé où j’avais été. Innocemment, j’ai répondu: "J’ai été chez le médecin, mais le médecin était malade."

Les enfants se sont mis à rire de façon incontrôlable. Les médecins ne sont jamais malades. Ils sont surhumains.

Mais l’enseignante n’a pas été amusée. "Tu essaies d’être drôle?" J’ai dû écrire 20 fois "Je ne ferai pas de blagues."

J’ai trouvé ça injuste. C’est comme ça que ma carrière en droit a commencé. En quelque sorte. J’avais la passion de l’équité. Mais quelle profession s’occupe de justice? À sept ans, je n’avais jamais entendu parler des avocats.

Peu après, Perry Mason a commencé à la télé. J’étais fasciné par son personnage. Les gens sont accusés d’un crime qu’ils n’ont pas commis, ils engagent un avocat et il prouve leur innocence. Je vais en remontrer à cette enseignante. J’embarque.

Ce moment magique en deuxième année m’a changé.Le rire de mes camarades était comme un élixir au lotus. Je suis devenu le pitre de la classe, et j’ai été puni pour cela, mais ça valait la peine.

Vers la fin de mes études de premier cycle à McGill, j’ai compris que ma carrière pouvait aussi bien mener à la faculté de droit qu’en humour. J’aimais ces deux options. J’ai choisi l’humour.

J’ai pris une année de congé après mes études de premier cycle et j’ai été pigiste pour la CBC. J’ai aussi fait une demande à la faculté de droit, au cas où, par malheur, je ne pourrais pas subvenir à mes besoins comme pigiste. Cette trajectoire peu probable est devenue probable.

Je suis devenu membre du Barreau de l’Ontario en mars 1974 A.O. (avant les ordinateurs).

Pourtant, ma passion pour l’humour n’avait pas diminué. J’ai écrit pour des publications, juridiques ou non, y compris le Toronto Star, le Globe and Mail, The Lawyers Weekly, LSUC (comme on l’appelait alors), la Gazette, etc. J’ai aussi publié mon premier livre : Birth, Death and Other Trivialities: A Humorous Philosophical Look at the Human Condition.

À la fin des années 1970, les Yuk Yuks ont commencé, et j’ai passé six ans à beaucoup m’amuser en faisant du stand-up, partageant la scène avec des gens alors inconnus, comme Howie Mandel, Bob Saget et Jim Carrey.<

J’ai été tenté de partir pour Los Angeles, comme eux, et de tenter ma chance, mais je ne crois pas que mon épouse et mes trois enfants auraient aimé que je ferme mon cabinet pour risquer la ruine.

J’ai fait différentes choses, y compris une apparition mémorable lors d’un colloque de l’association des juges de la Cour supérieure de l’Ontario. C’était, en fait, la première fois que des juges ont réagi à ma présentation par des applaudissements. (Ça a aussi été la dernière.) J’ai ressenti ce sentiment comme lors de ma deuxième année. Et j’ai même été payé (au lieu de devoir écrire une méchante phrase 20 fois).

L’humour, en droit, est précieux. Il favorise le civisme. Souvent, lorsque l’avocat adverse ne répondait pas à une communication, j’envoyais une télécopie:

Il ne peut y avoir que trois raisons expliquant pourquoi vous ne m’avez pas répondu:

1)      Vous êtes extrêmement occupé;

2)      Je ne vous ai pas répondu auparavant; 

3)      Vous avez découvert que c’est moi qui ai dégonflé les pneus de votre nouvelle Lexus.

Je recevais toujours rapidement une réponse de l’avocat qui s’excusait, me remerciait de l’avoir faire rigoler et, dans un cas, me disait qu’il n’avait pas répondu à cause de l’option numéro 3.

On ne peut trop vanter le recours à l’humour, qui sert entre autres à tisser des liens, à promouvoir le bien-être et à améliorer la créativité. Et tout le monde peut s’en servir en toute sûreté, en affaires ou ailleurs.

En passant le cap des 70 ans, j’ai pensé au vieil adage qui dit que "Le meilleur moment pour planter un chêne, c’est il y a 20 ans. Le deuxième meilleur moment, c’est aujourd’hui."

Mon fils aîné, Daniel, un avocat de la défense en assurances, me lâchait des indices subtils, comme "Met fin à ta carrière. Tu es vieux." (J’ai revu mon testament.)

Le problème émotif était de faire mon annonce à mes amis, à mes collègues et à ma très compétente et très fidèle adjointe, Angela. (Je peux dire cela ouvertement maintenant qu’elle ne peut plus me demander d’augmentation.)

En ce qui concerne la logistique, heureusement j’ai pu régler de nombreux dossiers, et mes clients restants ont accepté que leurs dossiers soient transférés à Daniel. (Il est de retour sur mon testament.)

Le droit a été une occasion en or pour moi de viser le bien.Comme l’a dit Mark Twain, "Agissez toujours bien. Cela fera plaisir à certains et étonnera les autres."

Depuis que j’ai pris ma retraite du droit, j’ai eu le plaisir de lancer un nouveau livre : Poutine on the Orient Express: An Irreverent Look at Travel. Je vole sur cette étoile qui est passée cet après-midi de ma deuxième année, en profitant du voyage, prêt à la suivre n’importe où tant que mon autorité suprême le veut bien. J’ai planté un chêne et je suis occupé à en prendre soin.

Pour lire Marcel Strigberger, visitez le www.marcelshumour.com.

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