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Des mesures concrètes pour l’offre active de services en français en Ontario

  • 29 mai 2023
  • Alexanne Stewart, Christiane Saad, et Kenza Salah

Pour les fins de cet article, nous explorons les différentes formes du concept d’offre active dans certains textes législatifs et nous faisons le survol du Règlement de l’Ontario 544/22 (Offre active de services en français — mesures prescrites), récemment entré en vigueur (le « Règlement »). Les composantes qui ressortent du concept comptent : (i) un accès aux services dans les deux langues qui précède l’offre dès la première interaction avec le citoyen ; (ii) la qualité des services est équivalente dans les deux langues ; et (iii) la prestation des services sous toutes formes de communication orales et écrites.

Niveau fédéral

Le concept d’offre active a été codifié dans la Loi sur les langues officielles, LRC 1985, c 31 (« LLO ») depuis 1988 et se trouve à l’article 28, dans la partie IV intitulée « Communication avec le public et prestation des services » qui vise à établir et protéger l’égalité réelle de statut et d’usage aux services fédéraux. Il est évident d’après le caractère spécifique du texte de la LLO, soit l’exigence de « mesures voulues », que le législateur a légiféré à l’égard de ces droits substantiels en vue d’obtenir un résultat utile.[1]

En 1991, le Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services, DORS/92-48 a été édicté pour établir les modalités d’application de la LLO.  Même s’il ne fait pas référence à l’article 28 de la LLO sur l’offre active, ce règlement précise les endroits où les services dans les deux langues officielles doivent être offerts.

Niveau provincial

En Ontario, le concept de l’offre active a été introduit lors de la modernisation de la Loi sur les services en français, LRO 1990, c F.32 (« LSF ») dans le cadre du Projet de loi 43, Loi de 2021 visant à bâtir l’Ontario (mesures budgétaires). Avant la réforme, l’obligation d’offre active existait dans la LSF mais ne s’appliquait qu’aux tierces parties agissant pour le compte du gouvernement en vertu du paragraphe 2 du Règlement de l’Ontario 284/11. Cette réforme linguistique a renforcé l’engagement du législateur provincial envers le respect des droits linguistiques en intégrant l’exigence légale d’offre active au paragraphe 5(1.1) de la LSF, établissant ainsi un bilinguisme institutionnel dans la province.  Le paragraphe 5(1.1) de la LSF prévoit :

Offre active de services en français

5 (1.1) Si une personne a le droit, aux termes du paragraphe (1), de recevoir des services en français de tout bureau d’un organisme gouvernemental ou d’une institution de la Législature, l’organisme ou l’institution fait ce qui suit pour porter la disponibilité de ces services à l’attention de la personne dès le premier contact entre la personne et le bureau :

1. Prendre les mesures prescrites pour l’application de la présente disposition.

2. Prendre toute autre mesure que l’organisme ou l’institution estime appropriée.

Finalement, le 1er avril 2023 dernier, le législateur a adopté le Règlement de l’Ontario 544/22, qui encadre le principe d’offre active et impose des obligations importantes à la province.  Quelques remarques au sujet de la portée du Règlement s’imposent avant de décrire le contenu des dispositions – il n’existe aucune mention relative à la qualité du service tel qu’il est le cas au paragraphe 3 de la Loi sur les services en français de l’Île-du-Prince-Édouard qui prévoit de façon explicite que la prestation de service soit « de qualité comparable » dans les deux langues. Le Règlement ne prévoit non plus aucun critère concernant le niveau de maîtrise de la langue de la part des employés du gouvernement qui desservent les citoyens, ce qui est prévu au paragraphe 2(2) de la Loi sur les centres de services bilingues du Manitoba.

Le Règlement prescrit les mesures suivantes que les organismes gouvernementaux et institutions de la législature devront prendre pour concrétiser leur offre active. Ces mesures apportent plusieurs avancements relatifs aux services en français.  

L’article 1er du Règlement crée l’attente que les services soient disponibles en français sans recherche active par les citoyens. 

Les articles 2 à 4 du Règlement garantissent que le citoyen soit informé de la disponibilité des services grâce à l’affichage et à l'accueil dans les deux langues officielles à travers différents moyens de communication. En effet, que ce soit au téléphone ou en ligne, l’affichage de l'information et la publicité de la disponibilité des services dans les deux langues est dorénavant requise.

Les articles 5 à 8 du Règlement précisent certaines modalités pour assurer que l’offre de service soit effectuée dans les deux langues dès le premier contact avec le citoyen ainsi qu’aux divers points de contact avec les citoyens. Que ce soit en ligne ou physiquement, les mêmes standards sont applicables.

L’article 9 du Règlement précise que si le service est fourni en plusieurs étapes, qu’une personne ayant demandé de recevoir un service en français n’a pas à renouveler sa demande aux étapes subséquentes de la prestation de service. Cet ajout est important, et devrait assurer une offre de service continue en français. Cet article assure une cohérence tout au long du continuum de services, afin que les citoyens bénéficient de la même offre active tout au long de leurs interactions avec les fournisseurs de service concernés.

Même si les dispositions précitées n’ont pas encore fait l’objet d’analyse par les tribunaux en Ontario, certains indicateurs de conformité se trouvent dans le rapport annuel 2021-2022 de la commissaire aux services en français de l’Ontario qui indique que l’Unité des services en français du Bureau de l’Ombudsman a reçu 277 plaintes à propos d’institutions assujetties à la LSF entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022, dont presque la moitié soulèvent des enjeux de communication.

À PROPOS DES AUTEURS

Christiane Saad est directrice du Programme de pratique du droit de l'Université d'Ottawa et membre du Comité des langues officielles de l’Association du Barreau de l’Ontario.

Kenza Salah est sociétaire chez Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l. à Ottawa et Présidente du Comité des langues officielles de l’Association du Barreau de l’Ontario.

Alexanne Stewart est une avocate et chargée de projets au sein de Jurisource.ca, un projet de l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO). Elle est aussi membre du Comité des langues officielles de l’Association du Barreau de l’Ontario.


[1]             Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c Canada (Emploi et Développement social), 2018 CF 530 aux paras 211-214 (inf. pour d’autres motifs, 2022 CAF 14).