L’espace : la nouvelle frontière

  • 30 août 2021
  • Michael Speers

Lorsque les gens de Gowling WLG à Hamilton ont décidé qu’ils avaient besoin de nouveaux bureaux, Louis Frapporti en a profité pour se demander si l’environnement de bureau traditionnel pouvait encore répondre aux besoins de l’entreprise et de ses clients à l’avenir. En regardant autour de lui, il ne pouvait s’empêcher de penser à la façon dont les grandes entreprises technologiques envisagent leurs bureaux.

« Ce que j’ai constaté en observant ces entreprises et en comprenant leur vision des affaires, c’est que l’accent était mis sur la culture, mais aussi sur l’infrastructure — l’environnement dans lequel les gens travaillent, explique Me Frapporti, associé du cabinet. Quelle image est-ce que cela projette ? Qu’est-ce que cela signifie ? C’était tangible, physique. Cela parlait aux gens. C’était porteur de sens. »

Frapporti a eu l’idée de créer un espace qui mettrait l’accent sur la valeur du cabinet pour ses clients et renforcerait les relations avec eux. Il souhaitait que les bureaux facilitent le bien-être mental et renforcent l’esprit d’équipe, et qu’ils constituent des environnements attrayants pour les interactions avec les clients et la socialisation.

« Être influent en tant qu’organisation dans une région, dans une économie : qu’est-ce qu’on entend par là ? Qu’est-ce que cela signifie, avoir ce genre de vision, ce pouvoir, la capacité de prendre un téléphone et de mettre en relation quelqu’un qui est essentiel pour l’activité de quelqu’un d’autre ? », demande-t-il.

Me Frapporti a immédiatement porté son attention sur l’Université McMaster et son parc d’innovation. Être au cœur d’une recherche, d’une innovation et d’un partage d’idées de classe mondiale, voilà exactement ce que recherchait Gowling. Le nouveau bureau a donc été conçu pour devenir un élément clé du futur écosystème de McMaster.

« Si vous voulez parler de l’avenir et interagir avec cette cohorte — ces chercheurs, ces entreprises qui créent l’avenir là où cela se passe réellement — ce ne sera pas au sommet d’une tour bancaire à l’intersection de Bay et King. Ces gens se trouvent sur ou près des campus universitaires ou des pôles technologiques », dit-il.

Pour Jordan Furlong, ancien avocat qui travaille depuis 15 ans comme analyste du secteur juridique, la question du lieu — ou de l’espace, en général — est en réalité une question de culture et des valeurs que cette culture représente.

« Nos attitudes et nos approches du travail sont façonnées par notre emplacement et notre environnement physique, et c’est absolument le cas pour les bureaux d’avocats et les cabinets juridiques, déclare M. Furlong. Parfois, ce n’est pas seulement l’intérieur du bureau qui détermine la culture, c’est aussi l’extérieur. Nous pouvons changer la culture de l’extérieur, c’est-à-dire de l’emplacement physique de l’entreprise, autant que nous pouvons le faire de l’intérieur. »

Le monde change et on pense de plus en plus que les cabinets d’avocats doivent évoluer avec lui. Pour Gowling à Hamilton, cela signifie un déménagement. Pour d’autres entreprises, la réponse peut porter sur l’aspect et la fonction de l’environnement de bureau lui-même.

« Le travail, ce n’est plus là où on va : c’est ce que l’on fait. Nous devons donc créer des destinations où les gens ont envie d’aller », explique Tara Whittington, responsable de l’architecture et du design chez Knoll, une société de conception de meubles qui a mené des recherches sur les espaces de travail et leur évolution bien avant la pandémie de COVID-19. Knoll a récemment réuni la collectivité juridique canadienne pour une table ronde sur l’avenir des cabinets d’avocats.

La pandémie a été un « grand perturbateur » pour le travail et les espaces de travail dans le secteur juridique, et Mme Whittington pense qu’elle a servi à accélérer le changement qui s’était insinué dans d’autres industries depuis des années. Le télétravail fait maintenant partie de la réalité, et les avocats n’ont plus besoin de se rendre au bureau chaque jour.

« Les associés comprennent que les gens peuvent travailler à domicile parce qu’ils ont dû le faire eux-mêmes — et le faire avec succès — pendant si longtemps », dit-elle, notant que le modèle de travail hybride devient le choix préféré. « Les firmes doivent créer des lieux où les gens ont envie d’aller, mais aussi trouver un équilibre entre cela et les besoins en matière de confidentialité et de prestige. Il s’agit d’équilibrer les attentes — un endroit où il fait bon aller, mais un endroit qui offre aussi la confidentialité nécessaire. »

Alors, de quoi auront l’air les bureaux d’avocats du futur ? Selon Mme Whittington, les espaces devront être universels et polyvalents, avec des zones de travail attribuées ou réservées par l’entremise d’un système de réservation. Les entreprises devront également examiner les raisons pour lesquelles les gens viennent au bureau et comprendre quels sont leurs besoins.

« Il va falloir faire preuve de flexibilité, car il est inutile d’avoir un plan d’étage entier qui est vide la moitié du temps. Les espaces devront être plus agiles et plus souples pour s’y adapter », explique-t-elle.

Mme Whittington et M. Furlong pensent tous deux que l’accent sera mis sur la création d’un espace de collaboration, au-delà de la simple salle de réunion. Cela permettra de faciliter le travail en groupe, les interactions avec les clients, à la fois en personne et virtuellement, et de maintenir l’accès aux connaissances et à l’expertise.

« On reconnaît de plus en plus qu’à l’avenir, les cabinets d’avocats auront moins de bureaux réservés avec des noms de personnes sur la porte indiquant que “c’est mon bureau” et beaucoup plus de ces espaces collaboratifs où l’on peut se rassembler », dit M. Furlong.

« Les gens veulent retourner au bureau. Pour l’instant, ils sont satisfaits de ne pas faire la navette et d’avoir un équilibre avec leur vie de famille. C’est très attrayant maintenant, mais les gens nous manquent, nous nous manquons les uns les autres, la collaboration sociale nous manque, dit Mme Whittington. Faire les choses virtuellement, ce n’est pas comme les faire en personne. Le réseautage que vous faites avec vos collègues ou vos clients ne peut pas être reproduit de manière numérique, et c’est ce qui attire les gens. Mais la plupart des entreprises ne reviendront pas au bureau cinq jours par semaine, tout simplement parce que nous n’en avons pas besoin. »

Et, selon M. Furlong, cela signifie que l’espace de travail progresse dans le classement de ce que les avocats recherchent chez un employeur. La flexibilité en matière d’espace de travail ne constituera peut-être pas un avantage pour le recrutement, mais le fait de ne pas avoir cette souplesse sera un point négatif.

« Pas seulement à cause du manque de flexibilité offerte aux gens, mais aussi à cause de ce que cela révèle, explique M. Furlong. Quand une entreprise est rigide quant à l’aménagement de son espace de travail, ce qu’elle envoie comme message, c’est “nous sommes complètement inconscients ou complètement indifférents à la réalité du monde qui a changé sous nos pieds — nous ne nous soucions pas fondamentalement de savoir si vous aimez votre espace de travail ou non, ce qui nous importe, c’est ce que nous voulons tirer de tout cela.” Le signal que cela envoie au marché est “restez à l’écart”. »

Pour Me Frapporti, cela vaut également pour l’emplacement et la nécessité de figurer parmi les meilleurs cerveaux dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la technologie et des sciences.

« Nous devons être là, parce qu’ainsi nous pouvons offrir à nos clients, qui n’y sont pas, des perspectives issues de cet écosystème, dit-il. Nous pouvons être le médiateur et le diffuseur de toutes ces idées et informations à l’échelle mondiale pour nos bureaux et nos clients, et nous pouvons le faire virtuellement. C’est une occasion incroyablement excitante pour nous — être ce diffuseur d’informations vraiment importantes. »

À propos de l’auteur

Michael Speers est le spécialiste médias et communications de l’ABO.