Scales of Justice between two rows of books falling like dominos

Persévérance bénévole

  • 15 février 2018
  • Robert Shawyer

 

Le 14 décembre 2017, jour de mon anniversaire, j’ai reçu le plus beau cadeau que peut souhaiter un avocat. Le gouvernement ontarien, avec l’obtention de la sanction royale pour le projet de loi 177, a modifié l’article 31 de la Loi sur le droit de la famille (« LDF ») pour inclure une obligation alimentaire pour les enfants adultes ayant une invalidité.

Tout avait commencé dans un ascenseur.

C’était en 2011, au début de l’automne. Une mère brave et sa non moins courageuse fille ont pris place avec moi dans un ascenseur et en un instant, mon univers a été transformé. « Êtes-vous avocat? », m’a-t-elle demandé. Je portais encore ma toge après avoir déposé une requête pour un client ce jour-là, aussi ai-je répondu « soit cela, soit je suis un maître d’hôtel trop bien habillé. »

Heureusement, cela les a fait rire, et elles m’ont montré une ordonnance alimentaire pour enfant qui avait récemment été rendue par la juge Carole Curtis de la Cour de justice de l’Ontario. Le père de l’enfant la contestait en appel.

L’ordonnance était contestée parce qu’à l’époque, la loi ontarienne sur la prestation alimentaire pour enfant n’exigeait pas des parents n’ayant pas la garde qui n’avaient jamais été mariés et s’étaient séparés de continuer à payer le soutien à un enfant de plus de 18 ans qui n’était pas inscrit à temps plein dans un programme d’études. Toutefois, la juge Curtis avait reconnu dans sa décision que l’article 31 de la LDF risquait de ne pas passer le test de la Charte.

La cliente cherchait un avocat. Mais elle ne savait pas qu’elle avait besoin d’un avocat qui aurait le courage d’affronter le gouvernement de l’Ontario.

Après avoir lu les motifs de la juge Curtis dans Vivian c. Courtney, ma décision était prise : je m’occuperais de la cause, même si je n’en savais pas plus à son sujet que ce qu’en avait écrit la magistrate. J’ai été touché par l’histoire de la cliente et de sa fille, par leur force et leur persévérance.

Le premier obstacle était de convaincre un juge de la Cour supérieure de permettre à ma cliente de soulever la question de déterminer si l’article 31 était constitutionnel. Nous avons réussi cela le 27 janvier 2012.

Maintenant que nous avions le feu vert pour contester la constitutionnalité, nous avons commencé à retracer l’historique de la loi ontarienne sur la prestation alimentaire pour enfant et sur les aliments pour enfants en général. J’ai envoyé mon stagiaire de l’époque, Andrew Sudano, à la grande bibliothèque du Barreau pour faire de la recherche juridique. Après avoir beaucoup creusé, Andrew a appris que le concept de la prestation alimentaire pour enfant avait débuté par l’introduction de la Poor Act anglaise en 1576.

Tandis qu’Andrew collectait toute la documentation, j’ai commencé à me rafraîchir la mémoire relativement à l’évolution de la jurisprudence constitutionnelle canadienne et à la jurisprudence sur l’article 15 de la Charte. La jurisprudence était si volumineuse que sa lecture a exigé une semaine entière de mon temps, sur le divan à la maison.

J’ai rapidement compris que j’aurais besoin d’aide. J’ai commencé à bâtir une équipe formidable d’avocats en droit de la famille aussi déterminés que moi à faire changer la loi sur les aliments pour enfants en Ontario. Avec cinq des avocats en droit de la famille les plus connus en Ontario, je me suis présenté à la Cour supérieure de justice de Toronto dans un effort pour convaincre le juge Michael Penny qu’il fallait modifier la loi ontarienne sur les prestations alimentaires pour enfants.

Le 21 novembre 2012, le juge Penny a pris une décision relative à l’appel du père en s’appuyant sur d’autres questions, et non sur les questions relatives à la Charte. Cependant, il a reconnu que la loi ontarienne sur les prestations alimentaires pour enfants pouvait être inconstitutionnelle, ce qui ouvrait la porte à une contestation future.

Il faudrait attendre quatre longues années, mais la contestation a eu lieu en 2016. Un collègue m’a contacté au sujet d’une cause similaire : Coates c. Watson.

J’ai accepté de représenter Robyn Coates pro bono pour aider les enfants adultes ayant une incapacité en Ontario et les parents comme Robyn.

Cette fois encore, j’ai réuni une équipe d’avocats hors pair pour avancer que la loi ontarienne sur les prestations alimentaires pour enfants était inconstitutionnelle.

Contrairement à ce qui s’était produit dans l’affaire Vivian, les médias se sont emparés de Coates c. Watson. J’ai été interviewé à plusieurs reprises, et j’étais heureux de le faire pour sensibiliser les gens au besoin, pour les enfants handicapés de parents non mariés, de recevoir une prestation alimentaire, et pour attirer l’attention sur l’aspect pro bono de la cause.

Le 24 mars 2017, cette fois pour représenter Robyn Coates, je suis allé en cour pour affirmer que la loi ontarienne sur les prestations alimentaires pour enfants ne respectait pas les valeurs qui sous-tendent la Charte ni les valeurs canadiennes. Contrairement à mes apparitions en cour dans le cadre de ma pratique de tous les jours, les médias étaient sur les lieux pour parler de la cause, que je croyais d’importance sociale cruciale pour tous les Ontariens.

J’ai même invité mes parents à y assister et à entendre les arguments présentés devant le juge Sullivan. Ce moment, au plan personnel comme au plan professionnel, incarnait les raisons mêmes pour lesquelles j’avais étudié en droit et ressenti une vocation pour le droit.

Fait inhabituel, à la fin de la séance, le juge Sullivan a permis à tous les avocats et clients qui cherchaient à faire modifier la loi ontarienne sur les prestations alimentaires pour enfants de prendre des photos debout derrière lui. Je conserve ces photos dans mon bureau, comme rappel constant de ce moment capital, non seulement pour mes clients, mais pour l’avancement d’une cause de justice sociale et du droit ontarien.

Les photos prises ce jour-là servent à toujours me rappeler, particulièrement lors de journées difficiles où je me sens fatigué, de l’importance sociale de ce que font et réussissent des avocats déterminés qui s’attellent à la tâche.  

 

Robert Shawyer, Shawyer family Law

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