Strips of faces side by side showing different races and colors

Racisme, xénophobie et crimes haineux : des avocats montent au front

  • 18 août 2017
  • Richa Sandill

Je suis, comme avocate, bien placée pour agir si je vois du racisme, de la xénophobie ou de la haine autour de moi. Il existe quelques options pour aider les clients et la collectivité à faire face à ces scénarios.

Je fais partie d’une génération qui n’avait probablement même pas l’âge de vraiment comprendre ce qui se passait quand nos enseignants sont venus en classe nous dire que des avions avaient foncé dans le World Trade Centre le 11 septembre 2001. Je me souviens que je ne savais pas que le World Trade Center existait avant ce moment. Pourtant nous avons grandi avec les conséquences et le monde transformé que cette horrible tragédie a laissés derrière elle.

Le racisme, la xénophobie et les crimes haineux existaient dans le monde avant 2001. C’est cependant à cette époque que j’ai appris des mots comme « stéréotype ». Les postes de nouvelles à la maison débattaient avec ferveur des religions des terroristes radicalisés qui avaient réalisé les attaques. Mes parents revenaient avec des histoires de gens « d’apparence musulmane » qui avaient été harcelés et agressés. Nous entendions des histoires d’enfants sikhs, musulmans, arabes et indiens qui se faisaient harceler à l’école. Soudainement, la sécurité aéroportuaire est devenue un calvaire pour certaines personnes et familles. Quatre jours après le 11-septembre, le temple hindou de Hamilton, que je me souviens très bien avoir visité enfant, a été incendié.

Seize ans plus tard, nous nous retrouvons à une croisée des chemins similaire. Le gouvernement fédéral des États-Unis continue de défendre une interdiction pour les voyageurs d’un certain nombre de pays à majorité musulmane, suivant la rhétorique de la plus récente élection. Malgré l’accent canadien sur la célébration de la diversité, nous voyons des violences motivées par la haine au Canada, comme l’attaque contre la mosquée à Québec, ou les graffitis antisémitiques et les manifestations islamophobes qu’on voit ici, à Toronto. Statistique Canada a rapporté une augmentation nationale de cinq pour cent des crimes haineux dans une étude de 2015[1]. En plus de tout cela, nous avons un outil de diffusion de la haine bien plus puissant qu’en 2001 : l’Internet, avec ces cyberharceleurs, ses commentaires aux idées arrêtées et ses gazouillis.

La différence, cette fois, c’est que je suis, comme avocate, bien placée pour agir si je vois du racisme, de la xénophobie ou de la haine autour de moi. Il existe quelques options pour aider les clients et la collectivité à faire face à ces scénarios.

Option 1 : les avenues des droits de la personne

Une plainte relative aux droits de la personne est une option. La discrimination fondée sur la race, l’ethnie, le lieu d’origine ou la foi est interdite par le Code des droits de la personne de l’Ontario. Il est interdit, pour les fournisseurs de services provinciaux, les employeurs, les associations, les locateurs et les parties à des ententes contractuelles, de traiter une personne de façon différente pour ces motifs.

Les entreprises de télécommunication et de diffusion, y compris les fournisseurs de service Internet et les fournisseurs de sites Web, sont sous compétence fédérale et donc assujettis à la Loi canadienne sur les droits de la personne. L’article 12, en particulier, énonce que le fait de publier ou d’exposer en public des affiches, des symboles ou des représentations qui expriment ou suggèrent de faire preuve de discrimination ou encouragent ou visent à encourager la discrimination fondée sur un motif prohibé, notamment la race et l’ethnie, constitue un acte discriminatoire.

L’octroi de dommages-intérêts est un processus efficace, mais cet octroi pour la discrimination raciale demeure relativement peu élevé au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, et peut-être encore davantage à la Commission canadienne des droits de la personne, un domaine où on voit rarement des dommages-intérêts de plus de 25 000 $. Les poursuites civiles sont une possibilité lorsqu’un délit civil additionnel et précis est lié à la discrimination.

Option 2 : dispositions du Code criminel

Il y a aussi les crimes haineux, que l’alinéa 718.2 du Code criminel définit comme des actes motivés par la haine envers un groupe identifiable. Les manifestations des crimes haineux comprennent le harcèlement, les menaces, la force physique à l’endroit d’une autre personne ou d’un groupe et la destruction de biens.

Dans ce contexte, l’article 318 du Code criminel stipule que préconiser ou fomenter le « génocide » d’un groupe identifiable, notamment un groupe distinct par la couleur, la race, la religion ou l’origine nationale ou ethnique, constitue une infraction criminelle. De plus, l’article 319 criminalise l’incitation publique à la haine, y compris par téléphone, diffusion ou méthodes audiovisuelles. En vertu de l’alinéa 430(4.1), est un acte criminel la commission d’un méfait à l’égard d’un bâtiment ou d’une structure servant au culte religieux si ce méfait est motivé par des préjugés ou de la haine fondés sur la religion, la race, la couleur ou l’origine nationale ou ethnique.

Option 3 : soutenir les victimes

Avant même de se présenter en cour, l’un des gestes les plus porteurs de sens que nous pouvons faire est d’encourager les victimes à prendre la parole. Selon le communiqué de presse qui a rendu public le sondage de Statistique Canada mentionné ci-dessus, on estime que seuls 35 % des crimes haineux au Canada sont déclarés à la police[2]. L’augmentation des crimes haineux déclarés a aussi été attribuée à un meilleur rayonnement des services policiers et communautaires auprès de groupes ethniques précis au sein desquels la violence motivée par la haine est endémique. Nous devons créer un espace et une collectivité plus sécuritaires pour que les victimes brisent le silence, et nous devons nous armer des connaissances requises pour les aider au besoin.

Il est surtout crucial de prendre part au mouvement qui célèbre nos différences. Nous vivons dans un pays qui est fier de sa diversité. D’ici 2031, 63 % des résidents des trois plus grandes zones métropolitaines canadiennes appartiendront à une minorité visible. L’ignorance peut rapidement alimenter les perceptions qu’ont les gens des autres, surtout avec une avalanche d’images et un effet de meute envers certains groupes. Comme avocats, nous pouvons et devons être actifs dans nos collectivités, que ce soit en étant bénévoles, en appuyant les mouvements qui nous entourent ou en prenant part à des discussions comme le programme « Lawyers as Agents for Change » qui sera offert le 8 septembre 2017.

Je suis devenue avocate parce que je crois sincèrement que la promotion des droits et le droit peuvent provoquer des changements. Ce que j’ai vu et entendu durant ces années depuis 11-septembre a peut-être mené à cette façon de voir les choses. Je tiens à faire tout mon possible au cours de ma carrière à venir pour qu’une autre génération n’ait pas à grandir dans une ère de soupçons, de haine et de racisme, des attitudes pour lesquelles il n’y a plus d’excuses.

 

À propos de l’auteure

Richa Sandill est avocate adjointe chez Rudner MacDonald LLP, une firme qui se spécialise en droit du travail. Elle est devenue membre du Barreau en 2016 après un stage dans le même bureau.

Elle est éditrice du bulletin de la Section Droit constitutionnel, libertés civiles et droits de la personne de l’ABO et membre de l’exécutif du Forum des avocates.

Richa animera une table ronde lors du programme « Lawyers as Agents for Change » le 8 septembre 2017, dans laquelle les conférenciers parleront d’enjeux comme la façon dont les avocats peuvent repérer les crimes haineux, les stratégies pour gérer les incidents haineux qui n’ont pas l’ampleur requise pour constituer juridiquement des crimes haineux, et l’offre d’aide juridique critique aux personnes et groupes qui sont la cible de tels incidents.

 


[1] Statistique Canada, Les crimes haineux déclarés par la police au Canada, 2015 : http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2017001/article/14832-fra.htm.

[2] Statistique Canada, Les crimes haineux déclarés par la police, 2015, http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/170613/dq170613b-fra.htm

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