City of London Magistrates' Court

De Cabinets d'avocats à prestataires de services juridiques mutidisciplinaires; le cas du royaume-uni

  • 01 octobre 2012
  • John G. Kelly

L'on peut adéquatement substituer le terme « prestataire de services juridiques » à « cabinet d'avocats » pour faire référence à l'évolution de la pratique du droit à la suite de l'adoption de la Loi sur les services juridiques au Royaume-Uni. Cette loi a ouvert la possibilité au réseau étendu de professionnels autoréglementés de former des legal disciplinary partnerships (LDP), ou partenariats de discipline juridique, et a permis tant aux LDP qu'aux cabinets d'avocats d'amasser des fonds en créant des alternative business structures (ABS), ou structures alternatives d’entreprise, afin d'attirer les investisseurs étrangers non-juristes.

Historiquement, le raisonnement de longue date derrière la décision de n'autoriser que des avocats titulaires d'un permis d'exercice à posséder un cabinet d'avocats par processus de partenariat est que seuls les juristes peuvent offrir aux clients un service inégalable de secret professionnel et de confidentialité. Un ensemble substantif de législations a étendu la définition originale, plutôt limitée, de la confidentialité de façon à ce qu'elle englobe également, dans des situations prescrites, les juristes d'entreprise et le personnel de soutien qui travaille sous la supervision directe d'un avocat. La Loi sur les services juridiques a étendu le spectre davantage en permettant aux non-juristes d'investir dans les cabinets d'avocats, tant et aussi longtemps que les avocats en gardent le contrôle et que des mesures de protection soient en place pour conserver la confidentialité.

Au début, une vague médiatique prédisait que la capitalisation des ABS faciliterait la création de cabinets juridiques gargantuesques ayant accès au capital nécessaire pour acheter ou forcer les cabinets étrangers à fusionner par absorption et à se « mondialiser ». D’autres prédisaient que des détaillants dynamiques comme Tesco (chaîne de supermarchés du Royaume-Uni) pourraient mettre sur pied des organismes ABS et y établir des cabinets juridiques. Il est possible que ces deux scénarios, ou des variantes de ceux-ci, deviennent éventuellement réalité. Cependant, le processus ne se déroule pas ainsi à court terme.

Tout d'abord, il y a la formation de LDP. Un cadre juridique hautement performant ajoute une valeur considérable à un cabinet. Plusieurs cabinets d'avocats emploient désormais des praticiens de l'immobilier agréés à la place d'avocats pour gérer leurs activités ayant trait à l'immobilier résidentiel. Les cabinets d'avocats ont également choisi de faire appel à des avocats spécialisés en dépens pour gérer la facturation dès le début, plutôt que de risquer d'être traîné en cour plus tard par ces mêmes avocats représentant un client contestant les honoraires juridiques. Permettre à ces professionnels de posséder une part du cabinet et d'en partager les profits est une solution à ce qui était historiquement une situation injuste et une structure opérationnelle inéquitable.

La structure des ABS est beaucoup plus compliquée puisqu'elle englobe les personnes et les organismes qui ne sont pas des membres d'un prestataire de service juridique autoréglementé. Toutes les ABS doivent être liées à un prestataire autoréglementé avec des critères de contrôle approuvé par l'Office du contentieux. Un organisme autoréglementé doit faire une demande à l'Office du contentieux et démonter qu'il possède les compétences requises et le cadre opérationnel pour gérer une ABS, ce qui n'est guère aisé. Les organismes capables de démontrer qu'ils possèdent une relation de service ayant avantage à être réglementée par un fournisseur autoréglementé peuvent demander le statut ABS par la suite. Il est prévu que le Solicitors Regulatory Autority (SRA), le Bar Standards Board (BSB) et le Council of Licensed Conveyancers (CLC) jouent un rôle clé en tant qu'organismes homologués de régulation des ABS. Bien que la Loi sur les services juridiques ait été adoptée en 2007, il a fallu attendre 2011 pour que la première ABS soit homologuée.

Toutes les ABS doivent avoir un « chef de la pratique du droit », c'est-à-dire un membre agréé d'une entreprise autoréglementée s'étant vu accorder un rôle de superviseur ABS. Cette personne peut-être considérée comme un associé directeur. Sa responsabilité première est de veiller à ce que tous les prestataires agréés et non-agréés soient conformes aux oukases du service juridique autoréglementé, et elle possède l'autorité ultime pour le faire. Tous les ABS doivent avoir un « chef des finances », c'est-à-dire une personne responsable des fonds et ayant l'autorité pour les gérer, approuvé par l'organisme de réglementation. Toute personne ou entité non réglementée possédant plus de 10 % d'une ABS doit être signalée à l'organisme de réglementation comme étant une personne ou une entreprise avec un intérêt matériel. Celles-ci devront convaincre l'organisme de réglementation qu'elles ne tentent pas d'influencer l'ABS de façon à toucher ou contrevenir aux exigences opérationnelles réglementaires. Les syndicats indépendants et les organismes communautaires ou à but non lucratif seront soumis à des normes de conformité moins sévères.

Le CLC a été le premier à se démarquer en recevant le statut réglementaire ABS. Sous ces auspices, ce cabinet d'envergure de cession des droits immobiliers au Royaume-Uni a obtenu le statut ABS, avec l'intention de mettre sur pied des bureaux de transferts de biens dans 1 000 filiales de banque. À ce jour, environ 20 autres demandes ont été effectuées, y compris par plusieurs avocats qui songent à quitter le SRA et devenir des praticiens de l'immobilier agréés pour obtenir le statut ABS. Au printemps 2012, le SRA est devenu une autorité de réglementation reconnue en matière de ABS. Le départ est lancé, avec près de 130 demandes de statut ABS en cours. Des rumeurs abondent au sujet de pourparlers entre les cabinets du « cercle magique » (les 5 géants) de Londres ayant plus de 1 000 avocats par cabinet et un ou plusieurs cabinets comptables internationaux dans le but de créer des fournisseurs mondiaux de services professionnels. Pour le moment, la majorité des activités concernant les ABS ont trait aux cabinets de taille moyenne qui possèdent un partenariat capitalistique limité avec des prestataires de services intimement liés dans la structure ABS; pensez aux administrateurs de déclarations de sinistre et aux cabinets en contentieux. Un procureur entreprenant a mis sur pied un cabinet d'avocats ABS sous les auspices du BSB dans le but d'offrir, directement au public, un service du contentieux innovateur à prix forfaitaire, contournant ainsi la façon traditionnelle de chercher un avocat.


John G. KellyA propos de l'auteur

John G. Kelly est le président de Canada Law From Abroad, une entreprise qui offre des conseils concernant les facultés de droit au Royaume-Uni. johngkelly@canadalawfromabroad.com

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